Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/180

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prieres de l’amitié, les larmes de la douleur n’ont pu fléchir votre mere : & ne nous flattons pas que le temps opere ſon changement en notre faveur. Quelque tentative que nous fiſſions, cette mere inexorable ſe trouveroit entre nous, pour s’oppoſer à nos deſſeins. Nous pouvons, dites-vous, nous affranchir de ſon eſclavage, en quittant la France pour quelques années : cela eſt vrai ; mais, ma tendre amie, ce parti nous perdroit tous deux. On diroit de moi, qu’abuſant de votre jeuneſſe, & plus animé peut-être par mon intérêt que par mon amour, je ne vous ai entraînée ſous un ciel étranger, que pour me rendre, dans la fuite, poſſeſſeur de votre fortune. A cette odieuſe imputation, on joindroit des effets plus terribles encore. Les loix, en proſcrivant ma tête, imprimeroient ſur moi la tache ineffaçable du déshonneur ; ſa ſeule idée feroit mon ſupplice, dans quelque lieu du monde que nous habitaſſions… Juſques dans vos bras, elle détruiroit mon bonheur. Vous-même, ſeriez accablée du contre-coup de ces revers. Que de ſujets de déſolation pour votre ame noble & ſenſible ! Une réputation flétrie ; une famille irritée, qui pourſuivroit la vengeance de mon atten-