Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/185

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fautes, que j’ai perdu ce que j’aimois… Ce que j’aimois ! quelle façon de parler ! eh quoi, ne l’aimai-je donc plus ?… Hélas ! faſſe le Ciel que ce bien m’arrive quelque jour ! Quant à preſent, l’indignation, la colere, les ſentiments les plus emportés, les plus tumultueux ne fermentent dans mon ame que pour y redoubler le feu de ma paſſion… Elle te rend l’arbitre ſouverain de ma deſtinée. L’air que je reſpire n’eſt pas ſi néceſſaire à mon exiſtence que ton amour… eh, tu pourrois me dire un éternel adieu ?… Non, tu ne le feras pas… Tu ne receles point le cœur d’un barbare, ſous les plus aimables dehors… Murville !… Encore un mot. Tu te défends de recourir à la fuite, peut-être as-tu raiſon… Je veux me le perſuader ; mais du moins attends que la loi m’autoriſe à te donner ma main. Nous nous engagerons ſur la foi des ſerments ; & je ſaurai bien me défendre de tout ce qui pourroit me faire manquer aux miens. Que l’éloignement du terme ne t’effraie pas plus que moi. Fais attention que j’ai paſſé dix-ſept ans, que tu n’en as pas trente ; que nous pourrons nous unir dans l’âge où l’on fait mieux goûter le bonheur, où l’on eſt plus certain de ſa durée….