Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/187

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„ Sa lettre avoit de l’obſcurité, de la froideur ; l’une ſervit à me déguiſer l’autre, ou plutôt, car il faut être de bonne foi, le beſoin que j’avois de m’abuſer, me fit donner à tout une explication forcée. Je crus que dans l’incertitude, Murville ne vouloit point entretenir un amour capable de me rendre malheureuſe ; qu’il ne meſuroit les expreſſions de ſa douleur, que pour ménager la mienne, & ne ſe défendoit d’accepter mes ſerments, que parce qu’il ſe défioit de ma jeuneſſe & de ma confiance.

„ Mes raiſonnements furent conformes à cette maniere de voir les choſes. Je ſavois que l’intérêt préſidoit à tous les mariages, & que le Chevalier n’étoit pas riche : j’en concluois, qu’il ne ſe marieroit pas ; que je pourrois, tôt ou tard, lui prouver ma paſſion, lui prodiguer ces mêmes richeſſes dont j’ai dédaigné de jouir ſans lui.

„ Loin de redouter votre concurrence, je croyois mon amant dans un aſyle aſſuré pour notre tendreſſe. Je vous ſavois gré du bien que vous m’en écriviez quelquefois. Aveugle que j’étois ! comment ne ſuſpectai-je pas l’aſſiduité de Murville chez ma mere… qui n’étoit pas naturelle, après en avoir été refuſé pour gen-