Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/190

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„ Madame de Rozane donna des éloges à ma réſolucion ; m’honora même, pour la premiere fois, du nom de ſa fille : témoignages touchants de l’affection qu’elle me portoit !… Ils ne m’indignerent point. L’excès de ma douleur abſorboit tout autre ſentiment.

„ Je fus admiſe au nombre de ces jeunes téméraires, qui, bravant la nature avant que d’en avoir éprouvé la puiſſance, ſe conſacrent à la haine de tout ce qu’elle nous oblige d’aimer.

„ Loin d’être favoriſée de cette heureuſe ignorance ; loin de trouver quelque dédommagement à mes ſacrifices, je ne voyois, je n’entendois, je ne faiſois rien qui ne me coûtât des efforts effrayants pour l’humanité… C’étoit mon vœu, je n’avois pas à m’en plaindre.

„ Un rayon d’eſpérance vint écarter, pour un moment, les nuages qui m’environnoient. Vous fûtes malade, très-mal, preſque abandonnée des Médecins… Murville pouvoit m’être rendu… L’épreuve étoit délicate. Je me diſois, qu’un amant infidele… intéreſſé peut-être, n’étoit pas digne de moi. Souvent je ne deſirois de me voir maîtreſſe de ma deſtinée, de la ſienne, que pour augmenter ſa fortune, & rejetter ſa perſonne avec mépris.