Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/204

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cher le trait de mon cœur, vous ne feriez que le déchirer davantage.

„ A quelques jours de là je fis ma profeſſion, ſans frémir d’autre choſe que de votre préſence, & de celle de ma mere. C’étoit par la dureté de l’une & pour le bonheur de l’autre que je m’immolois… Dieu ! de quels ſentiments j’étois agitée !… Ils penſerent éclater, quand je vous trouvai pleurant ſur un ſacrifice dont vous retireriez tout le fruit. Je les emportai dans ma cellule, ils ſe joignirent à mille autres non moins cruels, non moins impétueux… C’en étoit trop. Mon courage m’abandonna. Une ſinguliere épouvante me faiſit… Le voile lugubre dont j’étois couverte me fit horreur… Ma ſolitude me ſembla plus profonde que de coutume… Je me dis que jamais je ne reverrois Murville… que je venois d’élever un mur d’airain entre le monde & moi… que ceux où j’étois renfermée ſeroient ma priſon & mon tombeau… Ces conſidérations que j’avois faites tant de fois, & au deſſus deſquelles je croyois m’être miſe, m’accablerent, en ce moment, comme un énorme fardeau. Il s’enſuivit des convulſions de douleur… Je me laiſſai tomber ſur le plancher de ma cham-