Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/206

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de cruauté envers moi-même, c’eſt la honte qui m’a fermé la bouche ſur mes erreurs… Aſſez courageuſe pour abréger mes jours, je ne l’étois pas… je ne le ſuis pas encore, pour m’expoſer à l’humiliation… Quant à ma mémoire, je l’abandonne à votre cenſure. Mon dédommagement eſt prêt : j’en jouis dans l’aſſurance d’arracher le maſque d’un perfide, & de diſſiper vos flatteuſes illuſions.

„ C’eſt ainſi que l’excès du malheur a rendu barbare le plus tendre des cœurs. Une infortunée qu’on a réduite à implorer la mort comme ſon unique reſſource, ne peut plus aſpirer qu’au plaiſir de la vengeance… Elle approche, cette redoutable mort ; une partie de mon être eſt déjà ſa proie : il ne m’en reſte plus qu’un ſouffle, dont à peine je ſerois animée, ſi le feu des paſſions n’en entretenoit l’activité…

„ En vain l’incertitude de l’avenir porte ſouvent l’effroi dans mon ame. En vain la nature oppoſe ſes répugnances,… la voix de mon déſeſpoir étouffe la ſienne, & celle de mes terreurs… Après tout, ſi l’Auteur de l’univers, que j’aimois, que je révérois dans l’âge de mon innocence, eſt le pere & le refuge des malheureux,