Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/39

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fortifia mes efpérances. Cependant il s’écoula deux mois ſans qu’on fît de moi une mention extraordinaire. Je m’affligeois, je fatiguois Mademoiſelle d’Aulnai de mes répétitions ; j’étois piquée de ce que Rozane ne profitoit point du rapprochement de nos familles pour me revoir : plus il ſe tenoit éloigné, plus mon cœur voloit au-devant de lui, plus je me paſſionnois pour ma chimere. Enfin, l’inſtant de quitter ma retraite arriva. Le Marquis, dont les intentions répondoient à mes deſirs, avoit ſollicité cette grace, ſans s’expliquer ſur ſes motifs.

A la nouvelle que j’en reçus, mes tranſports allèrent juſqu’à l’extravagance. Ma ſœur contemploit triſtement l’excès de ma joie… Elle pleura en me diſant adieu ; moi-même je verſai quelques larmes, qui ſe ſécherent au ſeul aſpect du monde.

Les changements avantageux qui s’étoient faits dans ma figure, donnerent un petit air de triomphe à mon retour chez ma mere, où je trouvai un cercle nombreux. Je m’applaudiſſois en ſecret des éloges qui m’étoient adreſſés ; mais il manquoit à ma ſatisfaction de voir le Comte au nombre de mes admirateurs ; & ce Comte ſi deſiré ne paroiſſoit point. Je m’étois attendue qu’il s’offriroit des premiers à mes regards, &