Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/51

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jouer un tel rôle. Mais, demandai-je, ſeroit-ce d’aujourd’hui ſeulement que vous auriez reconnu ſes défauts ? — Non, depuis quelque temps je les appercevois ; la dernière ſcene n’a fait que les développer entièrement… Je le répete, c’eſt une ame froide, dont je n’ai fait qu’amuſer la vanité. Ah ! m’écriai-je, ce ne peut être qu’un monſtre, puiſqu’elle ne vous a pas payé du plus tendre retour… Je rougis. Rozane baiſſa les yeux… les releva ſur moi d’un air troublé ; il voulut parler, ſe retint, fit une révérence, & me quitta.

Je reſtai confondue de ce qui venoit de m’arriver. Une phraſe indiſcrete avoit trahi mon amour ; mais le moment étoit ſi favorable, que je n’aurois pu le choiſir mieux après de longues réflexions. Eh ! Rozane m’avoit entendue ſans en profiter !… Il me quittoit… il me fuyoit… Pourquoi ?… Ce n’étoit plus ma mere, ce n’étoit plus une rivale qui me fermoit ſon cœur ; c’étoit donc l’indifférence la plus décidée, la plus invincible ? Que j’aurois bien voulu le haïr ! Ne le pouvant pas, je m’en pris à moi-même, à l’impuiſſance de mes charmes. Je projettai de les enſevelir dans une retraite obſcure, puisqu’ils ne contribuoient en rien à mon bonheur.

Pendant une ſemaine entiere je fus plus