Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme.djvu/91

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core trouvé le moyen, lorſque je me vis obligée de ſuivre ma mere à la campagne. En peu de jours le cercle y devint nombreux, & Murville l’anima par ſon inaltérable gaieté. C’étoit un grand magicien, que ce Murville ; quel art il mettoit dans ſes empreſſements pour me les rendre agréables, ſans m’alarmer ſur le but qu’il ſe propoſoit ! Je n’étois étonnée que de la protection dont ma mere paroiſſoit le favoriſer à cet égard, & du déſintéreſſement avec lequel elle m’abandonnoit ſon hommage.

La liberté de la campagne l’autoriſant encore ; ma mere continuant de le protéger ; moi l’écoutant avec plaiſir, il ſe fit une loi de me tenir dans une continuelle diſtraction, de miner ſourdement mon amour pour le Comte ; mais avec une telle dextérité, que je ne pouvois pas l’accuſer du projet de le détruire. Ce genre de combat étoit d’autant avantageux au Chevalier, qu’il ne m’inſpiroit aucune défiance, que je m’y expoſois même par plaiſanterie. Ma ſécurité le trompa : il la prit pour de l’affoibliſſement, & ſe flatta de remporter une victoire aiſée, en m’attaquant à découvert.

A quoi penſez-vous ? me demanda-t-il un jour, en me voyant rêver ſur un balcon, pendant qu’on arrangeoit les tables de jeu. Cette queſtion eſt indiſcrete, lui dis-je ;