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un homme à qui vous ſerez inceſſamment unie.

Au nom de Murville, il m’échappa un mouvement de ſurpriſe & de chagrin, dont ma mere feignit de ne pas s’appercevoir ; pour m’ôter même tout moyen de repliquer, elle ſonna ſes femmes, & me congédia.

Je me retirois fort vîte, dans la crainte qu’on ne remarquât mon agitation, quand je rencontrai M. de Rozane, qui ne ſoupçonnoit même pas le projet de ſa femme. Bon Dieu ! qu’avez-vous ? me demanda-t-il, effrayé de mon extrême pâleur. Je ne lui répondis que par un ſigne de tête, & mettant ma main ſur ma poitrine, pour lui faire comprendre que j’étouffois. Il me prit ſous le bras, me conduiſit dans ma chambre, où je ne pus d’abord m’exprimer que par élans. Ah Ciel !… Je n’en peux plus !… Je me meurs !… Quel tourment !… Enfin je recouvrai la faculté de parler plus diſtinctement. Savez-vous, dis-je, à qui ma mere me deſtine ? — Non. — A M. de Murville ! — A Murville ! répéta le Marquis preſqu’auſſi étonné que je l’avois été moi-même… Il eſt aimable, ajouta-t-il après un moment de ſilence… Je connois bien des femmes qui vous eſtimeront fort heureuſe. Eh ! que m’importe leur opinion, ſi mon cœur