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la réponſe que je reçus à ma très-longue, & très-lamentable épître.

« N’attendez, je vous prie, nul conſeil de ma part. Il eſt des circonſtances où l’on ne doit en prendre que de ſon propre cœur ; & celle où vous vous trouvez en eſt une. Si vous n’êtes pas aimée, votre ſort eſt affreux ! Si vous l’êtes… croyez qu’il en eſt de plus malheureux encore. »

La brièveté, l’obſcurité de ce billet, répondoient ſi mal à mon attente ; les caracteres en étoient ſi peu formés, ſi peu reſſemblants à l’écriture ordinaire de ma ſœur, que j’eus peine à me perſuader qu’il fût ſon ouvrage. Dix fois je le relus pour m’en aſſurer, & pour donner, s’il m’étoit poſſible, quelque extenſion au petit nombre de mots qu’il contenoit.

Fatiguée de ce ſoin inutile, je le déchirai avec dépit. Elle en parle bien à ſon aiſe ! dis-je intérieurement ; ces recluſes ne ſe doutent pas de ce qu’il en coûte pour épouſer un homme qu’on n’aime point, même quand on en ſeroit aimée… Aimée ! & le ſuis-je du Chevalier ? toute ſa maniere d’être avec moi, annonce-t-elle autre choſe que de la galanterie ? C’eſt un caprice, une fantaiſie… ou plutôt, c’eſt ma mere qui le fait ſervir à ſa vengeance contre Rozane ; c’eſt pour lui