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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/110

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& plein de mon amour, je puiſſe en appercevoir le déclin, ni que j’aie employé les moments précieux que j’ai paſſés avec toi, à raiſonner froidement ſur l’avenir : pourquoi donc affliges-tu ſans ſujet, le plus tendre des maris, le plus paſſionné des amants ?… Ecoute, & juge ſi je mérite le reproche amer que tu viens de m’adreſſer. Tout ce que je t’ai dit, eſt le réſultat des obſervations que j’ai faites en un temps où je ne leur ſuppoſois, pour moi, qu’une utilité bien douloureuſe.

Déſeſpéré de te voir entre les bras d’un autre ; condamné, par mes regrets, au plus ennuyeux célibat, j’eſſayai d’en adoucir la rigueur, en cherchant dans le mariage même, des raiſons pour me juſtifier mon renoncement à ſes loix : on en diſoit tant de mal, & j’en penſois tant de bien, qu’il falloit néceſſairement que l’erreur dominât d’un ou d’autre côté.

L’examen me fit connoître que nous nous trompions tous, en confondant les cauſes & les effets… Je vis que ſi le bonheur ſe fixoit rarement, même entre ceux donc le goût avoit formé les nœuds, c’étoit moins un vice de leur état, que de la conduite qu’ils y tenoient. Je vis une mortelle apathie ſuccéder au délire des ſens, parce qu’on ne s’étoit fait aucune reſſource pour y ſup-