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Page:Bonafon - Les Confidences d une jolie femme vol2.djvu/24

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permettoit de jouir. — Qu’elle en auroit été flattée, ſi elle avoit ſu combien vous en êtes avare ! — Avare ! point du tout ; mais je ſais la placer. — C’eſt me dire, ſans détour, que vous ne m’en avez pas jugé digne. — Vous vous trompez, Madame, cela ſignifie ſimplement, que ce qui pouvoit être entendu & ſenti par l’infortunée Mademoiſelle d’Aulnai, n’auroit pu convenir à l’heureuſe Madame de Murville. — L’heureuſe Madame de Murville ! Vous vous plaifez à m’inſulter, Monſieur. — Qui, moi ? Non, je vous jure… Je parlois de ce que vous avez été ; mais tout a changé de face, & je ſens qu’aujourd’hui vous êtes infiniment à plaindre. Si je le ſuis ! m’écriai-je ; ah Dieu ! qui le fut jamais davantage ! Toutes les erreurs agréables ſont détruites ! Toutes les vérités accablantes ſont dévoilées… On ne m’aime plus !.. Je perds ce qui m’auroit fait attacher quelque prix à vie… Eh, ce n’eſt point Murville qu’il me faut accuſer de cette perte.

Rozane s’étoit levé à la premiere queſtion que je lui avois faite ſur ſes ſentiments pour ma ſœur ; il marchoit à grands pas, répondoit ſans s’arrêter, comme s’il eût voulu ſe dérober à mes obſervations & s’affermir contre lui-même. La ſaillie qui venoit de m’échapper, le fixa dans la place où