Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indépendants en peu de temps. La jalousie politique sera toujours le tourment des petits États, et l’on sait que la jalousie commerciale a toujours été la passion spéciale de Gênes.

D’ailleurs tous les ordres de l’État, accoutumés à se partager les possessions de la République, murmurèrent contre une administration où il n’y avait point d’emploi pour eux. « À quoi nous a servi la conquête de la Corse, si l’on doit conserver à celle-ci un gouvernement presque indépendant ; il valait vraiment bien la peine que nos pères répandissent tant de sang et dépensassent tant d’argent, » disait-on publiquement à Gênes. La grande noblesse voyait avec dépit l’autorité du gouverneur restreinte, réduite presque à rien par le conseil des douze et par les assemblées populaires. La petite noblesse, dite noblesse du grand conseil, que l’on peut appeler le peuple de l’aristocratie, attendait, avec une impatience facile à concevoir, l’occasion de pouvoir se saisir de tous les emplois qu’occupaient les Corses. Les prêtres convoitaient nos bénéfices ; les négociants aspiraient au moment où ils pourraient, au moyen de sages lois, fixer seuls le prix de nos huiles et de nos denrées.

Ce n’était qu’un cri dans tous les ordres de la République ; pour la première fois le même vœu les unissait. Aussi l’on ne tarda pas à supprimer en Corse toute la représentation nationale. En peu de