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XXVIII

AU MÊME, À PARIS[1].

Le Caire, 25 juillet 1798.

Tu verras dans les papiers publics, le résultat des batailles et la conquête de l’Égypte qui a été assez disputée pour ajouter une feuille à la gloire militaire de cette armée. L’Égypte est le pays le plus riche en blé, lin, légumes, viandes, qui existe sur la terre ; la barbarie y est à son comble. Il n’y a point d’argent, pas même pour solder les troupes. Je puis être en France dans deux mois. Je te recommande mes intérêts. J’ai beaucoup de chagrin domestique, car le voile est entièrement levé[2].

Toi seul me reste sur la terre, ton amitié m’est bien chère, il ne me reste plus pour devenir misanthrope qu’à la perdre et te voir me trahir… C’est une triste position que d’avoir à la fois tous les sentiments

  1. Cette lettre faisait partie d’un courrier de l’armée d’Égypte qui tomba entre les mains des Anglais le 9 août 1798. Elle a été publiée à Londres.
  2. Bonaparte, on ne sait à la suite de quel espionnage, soupçonnait Joséphine de le tromper pendant son séjour en Égypte. Voyez à ce propos, dans les Mémoires dits de Bourrienne, le récit d’une scène de colère et de soupçons que fit Bonaparte, au sujet de sa femme, près des fontaines de Messoudiah, devant El-Arisch.