Page:Bonaparte - Œuvres littéraires, tome 1, 1888.djvu/63

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ribles ont voulu qu’un jour, dans cette forme sacrée de la proclamation, l’empereur eût un disciple inespéré… Et quel disciple ! Léon Gambetta, ni plus ni moins. Lorsque, le 30 octobre 1870, le grand patriote annonçait à la France en deuil et en larmes la capitulation de Metz : « Français, élevez vos âmes et vos résolutions à la hauteur des effroyables périls qui fondent sur la Patrie… Il dépend encore de nous de lasser la mauvaise fortune et de montrer à l’univers ce qu’est un grand peuple qui ne veut pas périr, et dont le courage s’exalte au sein même des catastrophes… » — à ce moment terrible, Gambetta se souvenait du langage éloquent du général Bonaparte, dont il avait certainement lu les œuvres. Quelques jours plus tard, quand il remerciait la jeune armée de la Loire de la victoire de Coulmiers : « Avant-garde du pays tout entier, vous êtes aujourd’hui sur le chemin de Paris. N’oublions jamais que Paris nous attend, et qu’il y va de notre honneur de l’arracher aux étreintes des barbares qui le menacent du pillage et de l’incendie, » — sans le vouloir, sans y songer, il paraphrasait encore Napoléon. Le procédé est absolument le même ; la phrase, large, sonore, bien rythmée, rappelle la manière, plus césarienne toutefois, du soldat d’Italie, d’Égypte, d’Autriche et de Prusse. Certes, on eût bien étonné Gambetta en lui rappelant que ses deux magnifiques proclamations de l’année terrible relèvent de l’école de Napoléon Bonaparte, et, probablement, il se fût récrié d’indignation. Mais la critique et l’histoire littéraires n’ont que faire d’arguties et de subtilités politiques ; dans l’intérêt supérieur de l’art, elles ont le devoir de rapprocher même les noms les plus inattendus, les hommes les plus dissemblables. On sait que Napoléon n’aimait guère la facture tragique et la prose de Voltaire. À de certains points de vue n’est-il pas lui-même le disciple direct de l’écrivain qu’il détestait ?

J’ai écrit plus haut le nom de Périclès. Si l’on en juge par les discours que Thucydide nous a conservés comme