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« Je ne défends pas le principe de la révolution du 18 brumaire ni la manière brutale dont elle s’est opérée. Une insurrection contre un pouvoir établi peut être une nécessité, jamais un exemple qu’on puisse convertir en principe. Le 18 brumaire fut une violation flagrante de la constitution de l’an III ; mais il faut convenir aussi que cette constitution avait déjà été trois fois audacieusement enfreinte : au 18 fructidor, lorsque le gouvernement attenta à l’indépendance du corps législatif, en condamnant ses membres à la déportation sans jugement ; au 30 prairial, quand le corps législatif attenta à l’indépendance du gouvernement ; enfin, au 22 floréal, quand, par un décret sacrilége, le gouvernement et le corps législatif attentèrent à la souveraineté du peuple, en cassant les élections faites par lui.

« La question importante à résoudre est de savoir si le 18 brumaire sauva ou non la République, et, pour éclaircir ce fait, il suffit de considérer quel était l’état du pays avant cet événement, et ce qu’il fut après.

« M. de Lamartine est le premier écrivain qui ait osé dire que, sous le Directoire, le mouvement révolutionnaire cessait d’être convulsif pour devenir créateur. Il est, au contraire, de notoriété publique, que le Directoire n’avait conservé de la Convention que les haines, sans en recueillir ni les vérités ni l’énergie. La France périssait par la corruption et le désordre. La société avait à sa tête les fournisseurs et les faiseurs d’affaires, hommes sans conscience ni patriotisme. Les généraux d’armée, tels que Championnet à Naples et Brune en Italie, se sentant plus forts que le pouvoir civil, ne lui obéissaient plus et emprisonnaient ses mandataires. D’autres s’entendaient avec les chefs des chouans et trahissaient la République. Le crédit était anéanti, le trésor était vide, la rente était tombée à 11 francs, les ressources du pays étaient gaspillées par une administration vénale ; le brigandage le plus affreux infestait la France ; l’Ouest était toujours en insurrection ; l’Italie avait été perdue, et, malgré la victoire de Zurich,