Page:Bonaparte - Un mois en Afrique, 1850.djvu/31

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bandes nombreuses de gangas, que je trouvai très farouches, pour une contrée aussi déserte.

Nous arrivâmes de bonne heure à l’étape d’Aïn-Mélilla, où ma tente fut bientôt dressée près de la fontaine. Les eaux abondantes qui en découlent, forment un long marais qui s’étend de l’est à l’ouest et qui, par sa végétation et les oiseaux aquatiques qui le peuplent, égaie un peu la triste vallée où nous nous trouvions. Elle est surplombée de deux montagnes arides qui semblent s’observer, et les Arabes de la tribu voisine nous assurèrent, sans perdre leur sérieux, qu’à certains jours, les deux colosses de granit s’avancent l’un vers l’autre dans la plaine et s’entrechoquent dans une lutte fantastique. Ces braves gens à imagination poétique s’appellent les Smouls, et comptent parmi nos plus sûrs alliés. Un de leurs chefs, à figure biblique encadrée dans un bournous blanc comme neige, vint me saluer et m’offrir la diffa. Elle consistait dans un grand plat de bois, à pied, comblé de couscous et de viandes. Ce chef me dit qu’il savait que j’étais non-seulement le frère du sultan des Français, mais le fils d’un prophète, et qu’il n’avait rien à me refuser. J’usai de son hospitalité, en lui demandant du lait qu’il nous procura aussitôt, et que l’ardeur produite par le sirocco nous rendit extrêmement agréable avec du thé. La nuit, des voleurs de chevaux vinrent rôder autour de nos tentes ; mais les chiens des douairs voisins firent un tel vacarme qu’ils les éloignèrent. Réveillés par leurs aboiements, nous entendîmes dans le lointain le rugissement d’un lion. Cette première étape, par son originalité romanesque, ne fut pas sans charme ; de Constantine à Aïn-Mélilla il y a quarante-deux kilomètres.