Page:Bonaparte - Un mois en Afrique, 1850.djvu/49

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colonel se montrait avec sa voix sympathique et son énergique gaieté ; les coups de feu se faisaient entendre à la tranchée, et les réflexions pénibles s’évanouissaient.

Comme il n’y avait pas à la colonne d’autre général que le commandant en chef, chaque colonel d’infanterie remplissait, à son tour, pendant vingt-quatre heures, les fonctions de général de tranchée. Ce jour-là, le colonel Carbuccia et notre régiment étaient commandés. Vers midi, je formai mon bataillon devant le front de bandière, je fis rompre par section à droite, et nous marchâmes, musique en tête, sur la Zaouïa, où était l’entrée des travaux. En nous voyant venir, l’ennemi, embusqué dans plusieurs jardins que nos troupes n’occupaient pas, dirigea sur nous son feu, qui nous blessa un sous-officier et un clairon. En arrivant à la tranchée, un sergent du bataillon mit sa tête à un créneau et, à l’instant même, il reçut une des plus singulières blessures qu’on ait jamais vues. Il fut atteint, immédiatement au-dessus de l’œil gauche, par deux balles de petit calibre, faisant probablement partie de la charge d’un de ces tromblons dont les assiégés avaient une certaine quantité. Ces armes, fort dangereuses de près, n’impriment pas une très grande vitesse à leurs projectiles ; c’est ce qui sauva notre sergent, car, au lieu de lui briser la tête, les balles lui contournèrent le crâne, et vinrent s’arrêter près de l’oreille. On le crut perdu ; me trouvant près de lui, je lui dis, sans le croire : ce n’est rien, sergent, vous en reviendrez bien vite. Heureusement, le fait me donna raison ; le chirurgien sonda la plaie, trouva les balles, à la surprise des assistants, et n’eut pas de peine à les extraire. Deux ou trois jours après, je vis le blessé ; il était debout, et en pleine convalescence.