Page:Bonaparte - Un mois en Afrique, 1850.djvu/68

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Je le conserve précieusement en souvenir de ces braves et du courageux Arabe mort pour son pays.

On sait que la garde et les travailleurs de tranchée sont relevés toutes les vingt-quatre heures. Sur la demande de mon colonel, notre tour fut prolongé jusqu’au soir, ce qui me donna l’occasion de compléter la journée ; car le général étant venu à la gourbie, où nous déjeunions, il m’ordonna d’abattre encore des palmiers, cette fois à proximité de la tranchée. Après avoir garni de tirailleurs les murs de deux grands jardins, je les fis complètement raser, sans forte opposition de la part des Arabes, soit qu’ils en eussent assez du combat du matin, soit que le voisinage de nos travaux les tint en respect. Ils se contentèrent de nous envoyer de loin quelques balles qui ne nous firent pas grand mal ; un soldat cependant en fut atteint, et un autre fut blessé par la chute d’un palmier.

Le soir, vers cinq heures, nous retournâmes au camp. Nos tentes et nos lits de cantines nous parurent des palais et des édredons après la tranchée. Les vivres étaient abondants à la colonne ; le pain seulement, qu’on faisait venir de Biscara, commençait à manquer, mais du biscuit trempé le remplace, au besoin. L’eau était désagréable, malsaine, et tellement chargée de sels, qu’en ayant passé un litre environ à travers un mouchoir de toile, j’en obtins un résidu qui, séché et approché du feu, crépitait comme du nitre. Le sable, d’une finesse imperceptible, s’infiltrait partout ; quelque précaution que l’on prit, tout ce qu’on préparait pour manger en était tellement saupoudré, qu’à chaque morceau on le sentait craquer sous la dent. Je fis l’expérience de placer du papier sur la tablette de ma tente, et bien que j’en eusse bouclé les