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Canadiennes d’hier

En guise de « God save the King », papa jouait à présent « À la claire fontaine ». Je retournais au salon en chantant sans me méfier du refrain. Une fois partie, il a bien fallu que je continue jusqu’au bout et que je chante de mon air le plus innocent :

« Lui y a longtemps que je t’aime, jamais je ne t’oublierai. »

Mon cher père aurait bien pu se dispenser d’aller reconduire Jean jusqu’à la porte. Il m’a fait penser à votre belle-mère, si ce n’est que lui, il ne l’a pas fait par malice. Avant de me coucher, j’ai mis sur le bout de mes doigts le baiser que j’aurais été en droit d’attendre si, comme vous l’assurez, Jean chasse de race.

Vous avez sans doute été curieuse de connaître les impressions de voyage de votre jeune ami, gros’maman. J’espère qu’il ne vous a pas fait promettre une discrétion absolue…

Merci de tous vos bienfaits, chère Providence ; vous n’avez pas affaire à une ingrate.

Sylvie.

Mme Tessier à Mlle Sylvie Carrière
St-Jean-Port-Joli, 15 mai 1913.

Notre Jean, chère Sylvie, ne m’a pas demandé le secret sur l’entretien que j’ai eu avec lui, dimanche dernier. Il sait que je ne parle qu’à bon escient ou… il croit le savoir. Si j’ai été quelquefois imprudente, il ne s’en est pas aperçu et il n’est pas fâché, je pense, que je m’intéresse à ses petites af-

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