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Canadiennes d’hier

vailler, à vouloir tout faire toute seule. C’est comme sa mère disait, une fois, en revenant de la voir :

« À quoi est-ce que ça sert de se morfondre pour amasser de l’argent ? Tu vois Louise, par exemple, si elle avait pas tout pris sur son dos quand sa belle-sœur est morte, M. Auguste se serait remarié au bout de six mois, c’est bien sûr ; mais s’il avait été assez raisonnable pour prendre une personne de son âge, les deux créatures auraient pu s’adonner ensemble à faire chacune sa part de l’ouvrage… On sait bien, le connaître comme on le connaît. — il est assez collantfillette, — il aurait aimé en prendre une jeune et recommencer à élever une famille. Louise a voulu garder l’héritage pour les enfants du premier lit, travailler comme deux et se rendre indispensable. De son côté, le bonhomme a calculé qu’une personne de sa capacité se trouve pas à tout bout de champ.

Tout ça pour aboutir à marier Jean avec une fille de la ville qui trouvera bien moyen, elle, de se faire servir et de les faire dépenser leur argent mais, c’est pas encore fait ce mariage-là. Si Pauline avait été plus fine, l’année dernière, quand elle a été fille suivante aux noces de Zélie, M. Auguste l’appelait ma p’tite bru par ci, ma p’tite bru par là ; il a dansé avec elle, a voulu la prendre par la taille, lui voler un bec… une amitié ! mais une amitié ! C’est vrai qu’il avait mis un clou dans son verre de bière, mais n’importe. Louise, elle, avait rien pris, elle était dans les mêmes sentiments. Souventes fois, elle m’a donné à entendre que Pauline pourrait relever d’elle. Jean disait pas oui, mais il

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