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Canadiennes d’hier

sur l’ordre de mon beau-père, j’ai été contrainte de me remarier pour garder à notre service un homme fiable, un « bon travaillant » accoutumé à cultiver notre terre depuis plusieurs années.

Daniel avait parlé de nous quitter un an avant la mort de Jean. Il avait un peu d’argent de côté, — chez nous il ne gagnait pas gros mais il ne dépensait rien, — à trente-cinq ans, il était bien temps qu’il pense à se marier. En vue de s’établir, il voulait prendre un lot en bois debout dans un canton de colonisation. Jean lui avait demandé d’attendre un an, il avait augmenté ses gages et promis de l’aider à se bâtir. On aurait dit qu’il avait le pressentiment de ce qui l’attendait.

Pourtant, le jour qu’il est tombé malade, il croyait bien n’avoir qu’un rhume ordinaire et ne savait même pas où ni comment il l’avait attrapé. Le matin, il avait été à l’église chanter un service anniversaire et, ensuite, au magasin faire quelques petits achats. C’est en revenant qu’il a été pris d’un gros frisson. Tante Louise lui a fait tout de suite une bonne ponce[1], mis une mouche de moutarde[2] sur la poitrine et l’a forcé à se coucher. Elle lui avait préparé son propre lit comme elle faisait autrefois dans ses maladies d’enfant. Sa chambre donne sur la cuisine, c’était plus à la main pour le soigner. Tout l’après-midi, on s’était relevées pour venir à bout de le faire suer : on avait entretenu, à chaleur égale, sur sa poitrine les cataplasmes de graine de lin, autour de lui et aux

  1. Punch ou grog.
  2. Sinapisme.
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