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Canadiennes d’hier

montré ce que ta pouliche est capable de faire, j’te conseille de prendre le vieux ch’val pour reconduire mam’zelle Carrière, y pas d’danger qu’il parte en peur çui-là ».

Tante Louise tirait de l’armoire vitrée son service à thé des dimanches. Vivement la nappe a été mise, la vaisselle étalée sur la table, une assiettée de croquignoles trônant au milieu, et la bombe-bouilloire de son bec en sifflet a versé de I eau en ébullition dans la théière de nickel. M. Leclerc, père, avait regagné sa place et rallumait sa pipe avec un tison. Tante Louise m a débarrassée de mon manteau, l’a porté dans sa chambre et caressé de la joue en le déposant sur le pied du lit, Jean a jeté son paletot sur une chaise et nous nous sommes attablés, en tête à tête, pour boire notre thé brûlant et croquer une branche de croquignole. Tante Louise ne voulait rien prendre, pour ne pas gâter son souper, disait-elle. Elle s’est excusée de ne pas m’avoir fait passer au salon : si elle avait pensé recevoir une aussi grande visite, elle en aurait ouvert la porte d’avance ; une demi-heure suffit pour qu’il y fasse bon. Il y a longtemps qu’on se propose d’installer le chauffage à eau chaude, on retarde toujours ; à vrai dire, pour le moment, ça ne presse pas. Quand Petit se mariera, il faudra bien se décider à faire quelques améliorations. Je voyais notre Jean baisser la tête. je piquais un feu. J’ai dit pour détourner la conversation :

« Vous l’appelez « petit » ce gaillard-là, il doit mesurer près de six pieds ».

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