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Canadiennes d’hier

pour suivre les nouvelles d’Europe sans inquiétude, ces années-ci ; on dirait qu’il se prépare des catastrophes. L’année dernière ou il y a deux ans, la fois du coup d’Agadir, madame Tessier en avait perdu complètement le sommeil ; le docteur était obligé de lui donner des piqûres. On sait bien que cet état est l’effet, plutôt que la cause de sa maladie, mais elle n’en souffre pas moins et nous en fait souffrir aussi. Comme elle est sourde et que sa vue est excellente, c’est elle qui nous fait la lecture. En voyant les en-têtes, elle pousse des exclamations :

« Ah mon Dieu ! qu’est-ce qu’il va arriver encore ? Venez que je vous lise ça. Laisse ta couture, Alice, arrive Régina » ; et elle n’en passe pas une ligne. Souvent, dès le lendemain, les nouvelles effrayantes sont démenties ; elle s’est frappée pour rien et reste tout énervée pendant quelques jours. Vous n’aurez pas de peine à croire que je préférerais, dans ce temps-là, me mettre dans un coin et lire tranquillement les Lenôtre que vous avez envoyés au jour de l’an.

Cette fois-ci, nous espérons que sa crise ne sera pas aussi forte, elle a été prise à temps et il n’y a rien de particulièrement alarmant, cette semaine, dans les affaires mondiales. Auriez-vous pensé que la politique internationale puisse préoccuper à ce point une paisible habitante de St-Jean-Port-Joli ?

Elle regrette bien de ne pas pouvoir vous écrire longuement. Elle pense que les nouvelles de la paroisse vous intéressent beaucoup ; c’est pour cela qu’elle m’a mis la main à la plume. Je ne peux pourtant pas vous donner une liste des baptêmes,

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