Page:Bonnecorse - Lutrigot, 1686.djvu/13

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Peu de jours finiront vôtre immortalité ;
On verra les enfans de vôtre illustre veine
Faire humblement la cour à la samaritaine.
Songez à prevenir un si honteux malheur,
Et par des vers charmans, soûtenez vôtre honneur.
Adieu, vous ne manquez ni d’art, ni de matiere.
Alors elle se change en un corps de lumiere,
Et prend sans l’écouter, sa route vers les cieux.
Lutrigot étonné ne la suit que des yeux.
Tel un jeune escolier fait un effort frivole
Lorsque sa main veut prendre un papillon qui vole,
Quand il croit l’attraper l’insecte fuit aux champs,
Et l’enfant tout honteux regarde, et perd le temps.
Ah ! Qu’ai-je fait, dit-il ? Ai-je pû méconnoître
Cette fille du ciel que je vois disparoître ?

À travers de ce corps qu’elle avoit emprunté,
Je devois voir l’éclat de sa divinité ;
Sa bouche me parloit avec trop d’eloquence ;
Mais elle m’a trahi par son impatience,
Et tant que ses beautez ont honoré ces lieux,
Mon ame étoit aveugle aussi bien que mes yeux.
Dans ce triste embarras, dans cette étrange peine,
Il s’assied, il se leve, et puis il se promene,
À la fin il se couche, et dans ses visions
Il fait pour se flater mille reflexions.
Mais dois-je être surpris, reprenoit-il encore,
De l’honneur imprévû que me fait Terpsicore ?
Je n’en sçaurois douter c’est elle, et des neuf sœurs
La seule qui toûjours me depart ses faveurs.
Ou mon rare genie, ou ma vertu l’excite
À faire dans le monde éclater mon merite ;
Mon esprit, quoiqu’on die, a de certains appas
Que Paris ne sçait point, que la cour ne voit pas ;
Je sens un noble feu qui m’éclaire, et m’anime ;
Cét esprit embrazé court, et vole au sublime.
Paroissez grands autheurs tant en prose qu’en vers,
Et tout ce que de docte a produit l’univers,
Unissez-vous ensemble, et formez une armee,