Page:Bonnecorse - Lutrigot, 1686.djvu/16

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Et moins le brodequin, dit Thalie en colere,
Lui qui blâme Moliere ose-t’il se flater
D’égaler ses portraits, ou de les imiter ?
Et moi dit Calliope ou je suis bien trompée,
Ou Lutrigot ne peut fournir à l’epopée.
Sur l’histoire Clio commençoit un discours ;
Mais le sage Apollon en interrompt le cours,
Il ne faut pas, dit-il, s’expliquer davantage,
Lutrigot va sans doute entreprendre un ouvrage,
Attendons qu’il l’acheve avant que d’en juger ;
S’il est beau, s’il est grand, on doit le proteger,
Tout le Parnasse alors lui doit être propice ;
Mais si sa vanité, sa haine, et sa malice,
Veulent encor paroître, et choquer le bon sens,
Terpsicore avec nous doit rire à ses dépens.

Pendant cet entretien Lutrigot immobile
Dormoit profondement, et d’un somme tranquille ;
Ses beaux songes charmoient ses sens, et sa raison ;
Mais dés que le soleil éclaire l’horison
Le diligent Colin par ordre de son maître,
Vient à pas mesurez ouvrir une fenestre.
Va, lui dit Lutrigot presque encore endormi,
Va viste chez Garrine, et dis à cet ami
Qu’il amene avec lui Rigelle à l’alliance.
Colin descend d’abord, et part en diligence.
Mais le grand Lutrigot n’attend pas son retour,
Et dés qu’il a fermé sa porte à double tour,
Il court à l’alliance, et là dans la cuisine
Commande le disner pour Rigelle, et Garrine ;
Mais son cœur inquiet goûte un plaisir bien doux,
Quand l’un et l’autre ami se trouve au rendez-vous.

Chers amis, leur dit-il, il s’agit de ma gloire,
Mais avant toute chose il faut songer à boire,
Montons, et qu’on nous serve. Ils le suivent tous deux,
Tout étoit déja prêt pour ce disner fameux,
À les faire servir l’hôte ne tarde guere,
Ils sont charmez de l’ordre, et de la bonne chere,
Ce repas fut enfin pour le dire en un mot,