Page:Bonnecorse - Lutrigot, 1686.djvu/29

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que mon genie en sortant du college,
S’est lui-méme donné ce rare privilege.
On ne peut sans envie et sans temerité
Blâmer et ma conduite, et ma sincerité.

Par le riche talent que mon esprit possede,
Il faut, graces au ciel, que tout autheur me cede.
Dans l’empire françois je me fais redouter,
Nul escrit sur les miens n’oseroit attenter,
Et plus d’un bel esprit connoissant mon courage,
Par crainte, ou par amour me donne son sufrage.
Des effets si publics montrent ce que je puis,
Et mes escrits divers font voir ce que je suis.
Ma pensée au grand jour par tout s’offre et s’expose,
Le moindre de mes vers dit toûjours quelque chose.
Jamais mortel n’a pris un si penible soin
Pour ennoblir sa verve, et la porter plus loin ;
Aussi mes nobles vers sont lus dans les provinces,
Sont recherchez du peuple, et receus chez les princes.
Et qui dans l’univers n’a pas vû mes escrits ?
Mes satires ont pleu, chacun en est épris,
Il n’est point aujourd’hui de courtaut de boutique
Qui n’ait et mon longin, et mon art poëtique.
Mais bien qu’en ces escrits tout soit charmant, et beau,
Rien n’y peut égaler mon poëme nouveau.
De tous les escrivains je suis enfin l’unique
Qui change le burlesque en parfait heroïque :
Tous les autres autheurs par leurs vers monstrueux
Font de leur heroïque un burlesque ennuïeux.
Je n’aprehende point de tromper vôtre attente.
Vous y verrez briller l’epopée éclatante,
Le grand, le merveilleux, en font les incidens,
Tout parle, tout s’exprime en termes transcendans,
J’embellis noblement et l’art, et la nature.
Quand on l’ordonnera j’en ferai la lecture.

Apollon méprisant cet autheur effronté
Rit quelque temps tout bas de tant de vanité ;
Mais voulant le joüer par une mascarade,
Il feind d’être content d’un harangueur si fade,