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PRÉFACE



Il peut paraître, au premier abord, fort superflu de vouloir refaire le portrait de quelqu’un qui s’est peint lui-même ; et, si le peintre a réussi aussi bien que Montaigne à retracer ses propres traits, tenter de les fixer davantage semblera tout à fait prétentieux. Pourtant, à la réflexion, on remarquera que, précisément parce que l’écrivain s’est pris pour modèle, il importe de le contrôler : plus la personne d’un auteur est mêlée à son œuvre, plus il est nécessaire de bien connaître l’une pour bien apprécier l’autre. Quand une œuvre est impersonnelle, celle d’un auteur dramatique, par exemple, obligé par métier à s’effacer et à parler par la bouche des personnages qu’il anime, on peut apprécier pleinement cette œuvre sans avoir rien appris sur celui qui la composa. Au contraire, on ne saurait juger un livre sans connaître son auteur, si ce livre n’est que l’analyse des sentiments de celui qui l’écrivit.

C’est pour cela qu’il peut être instructif de parler de Montaigne, même après que Montaigne en a parlé. Sans doute, en fin décompte, il est beaucoup