Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/27

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si longtemps. Il réfléchit. Sa vie était fondée ; elle avait un but ; il n’allait plus à tâtons, comme un aveugle. Il savait. L’enseignement serait le métier, le gagne-pain, mais il ne vendrait pas son art : « La gêne n’est pas inutile à l’esprit. Une liberté trop grande est mauvaise inspiratrice ; elle porte la pensée à l’apathie et à l’indifférence. L’homme a besoin d’aiguillons. Le génie veut l’obstacle et l’obstacle fait le génie ». Et joyeusement, R. Rolland se remit au travail. C’est de cette époque que date sa première œuvre, une sorte de confession philosophique, intitulée Credo quia verum (1888), confession inédite, qui est connue seulement par les lignes très brèves où M. Seippel en a esquissé le sens général (op. cit. no 196, pp. 26-27). Essai d’inspiration panthéiste dont le point de départ est : Je pense, donc IL EST ou, plus exactement. Je sens, donc IL EST. « Contre la pensée intellectuelle pure, R. Rolland revendiquait les droits de la pensée sensation. De ce noyau central il faisait sortir tout le reste, une conception de Dieu et du monde extérieur, une explication de la liberté, enfin des règles morales et esthétiques ». Il faut souhaiter que cet essai « dont la lumière a toujours suffi à l’éclairer » soit, un jour prochain, publié.

N’oublions pas de noter un petit détail qui n’a pas été sans influence sur les élans, les douleurs de R. Rolland. À l’École, il n’eut vraiment qu’un seul ami, Suarès, son compagnon de Louis-le-Grand ; tous deux, musiciens épris de Reethoven et de Wagner, enthousiastes pour Dante, Shakespeare et Gœthe, se sont liés, se sont aimés, loin des camarades moqueurs ou méchants. Depuis, la destinée les emporta dans des sentiers différents. Le style, le goût, les idées, pourraient les opposer l’un à l’autre. Mais, entre dix-huit et vingt-cinq ans, tandis que