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Le succès ne fut pas très grand et Stoullig (Annales du Théâtre, tome 24, 1898, pp. 570-572) l’appréciait en ces termes sévères : « Naïve historiette dont je ne vous garantis pas l’absolue nouveauté, mais qui, à défaut d’originalité, ne manque pas de charme en ingénuité, simulée peut-être ; car je ne m’étonnerais pas que l’auteur ait mis là-dedans beaucoup plus de sympathie et d’allégorie que n’en a voulu voir le commun des spectateurs ».

Mais voici que, quelques jours plus tard, le 18 mai 1898, le même théâtre de l’Œuvre représentait une pièce en trois actes intitulée Morituri[1] et dont l’auteur n’était autre que R. Rolland, sous le pseudonyme de Saint-Just. Elle avait été écrite au lendemain d’Aërt, en mars 1898, en quinze jours, au milieu d’une fièvre joyeuse d’enthousiasme. C’est la première d’une série glorieuse sur la Révolution française qu’il rêvait d’offrir et de dédier au peuple de Paris — et de voir jouer sur un vrai Théâtre du Peuple. Il s’était souvenu du Comité de Salut Public projetant, par le décret du 20 ventôse an II, d’instituer un Théâtre du Peuple destiné à « célébrer les principaux événements de la Révolution française. » (Théâtre de la Révolution, préface). Romain Rolland était épris, depuis son enfance, des grands souvenirs de 89, il avait lu les fragments de journal où son arrière-grand-père, J.-B. Boniard avait conté, en ce style exalté de l’époque, la prise de la Bastille et le retour victorieux du peuple sur la place de l’Hôtel-de-Ville ; il avait lu aussi ces notes si vivantes recueillies par le docteur Edme-François Bordet, et dont il trouva le manuscrit, jauni et vieillot,

  1. Cf. Bibliographie n° 5.