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l’arbre, tel le fruit... L’art est pour nous quelqu’un de la famille, le génie du foyer, l’ami, le compagnon et qui dit mieux que nous ce que tous nous sentons. » Aussi quand Colas voit ses meubles déchiquetés à grands coups de couteau, les boiseries fendues, les figurines mutilées, il ne peut que pleurer (p. 209). « L’homme n’est rien ; c’est l’œuvre qui est sacrée. Triple assassin celui qui tue l’idée. » — Et plus d’un rêveur relira la scène touchante où Colas et Belette, amoureux depuis trente-cinq ans, se retrouvent, vieillis, et se consolent de ne pas s’être mariés, parce qu’à tout prendre, « c’est peut-être mieux comme ça est... on souhaite toujours plus qu’il ne nous est donné. » (pp. 133 et 138.)


Pendant la Guerre.

« Au-dessus de la Mêlée » (1915)

et « Les Précurseurs » (1919). — Le Prix Nobel (1916)


Comme chaque année, depuis 1911, R. Rolland, en 1914, était venu se reposer dans cette Suisse amie qui lui semblait le seul « coin de terre où l’on pût respirer au-dessus de l’Europe » (Nouvelle Journée, p. 17). Christophe l’y avait déjà accompagné maintes fois. Non pour chercher un plaisir romantique. « Mais il ne pouvait oublier qu’ici il avait retrouvé sa force — il n’y retournait jamais sans un frémissement de gratitude et de foi... Que de combattants de la vie, que la vie a meurtris, ont retrouvé sur ce sol l’énergie nécessaire pour reprendre le combat et pour y croire encore ! » Christophe parlait de son œuvre, « du réveil des énergies françaises... il voulait s’en faire la voix retentissante qui plane au-dessus de la mêlée et qui donne la victoire prochaine... (Nouvelle Journée, p. 95).

R. Rolland s’est peut-être souvenu de cette phrase lorsqu’au début de la guerre, en septembre 1914, il inti-