duisant les peuples avec son gai refrain : « l’avenir, ça ira » ; la Vie, personnage sans tête qui broie tout ; la Paix, ventrue et moustachue ; la Liberté, coiffée du bonnet phrygien et armée d’un fouet de charretier ; l’Égalité, qui taille et rogne de son sécateur tout ce qui dépasse ; la Fraternité, sorte de nègre anthropophage ; la déesse Llôp’ih, c’est-à-dire l’Opinion, « le maître de la danse » ; les Gallipoulets et les Hurluberloches, les deux peuples rivaux, qui vont s’entretuer sous les yeux des Gras, c’est-à-dire des dirigeants et des diplomates ou « toucheurs de bœufs », etc., sans oublier Polichinelle qui éclate de rire. Sous des aspects grotesques, apparaît la terrible fatalité de la guerre ; l’illusion, entraine les hommes à leur perte ; mais qu’on ne confonde pas ici l’idéalisme, nécessaire comme la vie, avec telle ou telle idéalisation meurtrière et asservissante ; qu’on ne conclue pas, à la légère, d’un désespoir profond à un « pessimisme intégral ».
Cependant un épisode de son roman L’un contre tous avait paru dans les journaux suisses en décembre 1917, précédé d’une note explicative qui donnait les raisons de ce titre : « ce titre, non sans ironie, qui s’inspire, en retournant les termes, de celui de la Boétie, Le contre Un, ne doit point donner à penser que l’auteur ait l’extravagante prétention d’opposer un seul homme à tous les hommes, mais qu’il appelle à la lutte, aujourd’hui urgente, de la conscience individuelle contre le troupeau », et d’une introduction qui prévenait le lecteur que « le sujet de ce livre n’est pas la guerre, mais que la guerre le couvre de son ombre. Le sujet de ce livre est l’engloutissement de l’âme individuelle dans le gouffre de l’âme multitudinaire ». La composition de Liluli l’a détourné de son roman, et voici, pour quelques mois, qu’il dit adieu à ses notes et ébauches.