Page:Bonnerot - Romain Rolland sa vie son oeuvre.djvu/97

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Le convoi s’en vint jusqu’au cimetière bourguignon. Dernier déchirement, dernier adieu. R. Rolland, rentré à Paris, n’y demeura que quelques jours : fatigué, excédé du vain tumulte de cette ville en délire, il se hâta de retourner en Suisse et de reprendre sur sa table les notes, les ébauches qu’il avait craint de ne jamais revoir. Le travail console, le travail apaise la douleur et délivre du présent. R. Rolland, en août 1919, se remit à son roman L’Un contre tous, commencé à Sierre en 1916 et délaissé depuis 1918. La guerre, comme un grand nuage sombre, recouvrait toutes ses pages ; mais le sujet, c’est exactement l’histoire d’une conscience libre pendant la guerre, comme l’annonce le sous-titre du futur roman qui, désormais, s’intitule Clérambault. Roman ? ce mot prête à confusion. Le qualificatif du « Roman-méditation », que certains lui ont donné, est encore inexact. R. Rolland est un historien et Clérambault, comme Jean-Christophe, s’apparente à ses biographies héroïques, dont il a donné des modèles achevés. D’ailleurs, il prendra soin, avant de publier son livre, d’écrire à ce, sujet dans un Avertissement au lecteur, daté de mai 1920 : « Cette œuvre n’est pas un roman, mais la confession d’une âme libre au milieu de la tourmente, l’histoire de ses égarements, de ses angoisses et de ses luttes… J’ai voulu faire la description du dédale intérieur où erre en tâtonnant un esprit faible, indécis, vibrant, malléable, mais sincère et passionné pour la vérité. » Puis, craignant que l’on ne s’ingénie à voir dans Clérambault, comme hier dans Jean-Christophe, son propre portrait) et que l’on ne croie découvrir, avec une subtilité facile, ici des allusions à sa vie intime, là des jugements sur tel ou tel, R. Rolland met le lecteur en garde contre tout danger d’interprétation. « Qu’on n’y cherche rien d’autobiographique ! Si je veux un jour