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CHARLOT S’AMUSE

En vain, à chacune de ses sorties, il cherchait du regard Origène. Son bon ami, ainsi que les autres maîtres, semblait avoir disparu ; à l’heure de sa promenade, l’école était silencieuse et muette comme un tombeau.

À peine rentré, l’enfant avait alors des crises de larmes, se roulant sur son lit et pris d’un immense désespoir. Puis, las de pleurer, il songeait, l’air morne. Avec une acuité et une logique dont la précocité vieillissait davantage chaque jour son visage, il analysait ce qu’il avait vu et entendu, se remémorant tout ce qu’il avait souffert et sentant son cœur se serrer en découvrant, pauvre petit paria, les horreurs dont était fait le peu qu’il connaissait de la vie. Un dégoût l’empoignait, donnant à tous ses traits une expression de lassitude indifférente et mettant dans son regard la profondeur douloureusement pensive qui creuse celui des vieillards. Sa tête d’homme surmontant la gracilité de son corps d’enfant, laissait l’attristante impression que, produit pour la première fois dans un musée médical la vue d’un être phénomène, d’une violation mal venue ou d’une dégénérescence de l’immuable nature.

À présent, le gamin détestait Origène, ne pouvant lui pardonner son abandon. Soutenu par un reste d’espérance, il l’attendait pour-