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CHARLOT S’AMUSE

de la lanterne, Charlot reconnut le commissaire de police et le sergent des pompiers. L’équipe les entourait, et le gamin, le cœur subitement étreint, cherchait machinalement à comprendre les gestes de ces ombres, devinant à un moment qu’on parlait de lui. Bientôt, les nouveaux venus s’éloignèrent. Le bruit de leurs pas s’était effacé déjà dans la nuit, et les compagnons immobiles restaient autour du regard, semblant se consulter entre eux. Charlot s’était réveillé tout à fait. Ses larmes maintenant avaient cessé de couler, et une lancinante anxiété, une affre douloureuse, le tenaient cloué contre la porte, dans le cruel pressentiment d’un malheur désormais certain. Son pouls, soudain, cessa de battre, et il murmura, prêt à tomber, un dernier « Papa !… » désespéré. Le vieux Rémy, le chef de l’équipe, s’avançait, hésitant, les larges semelles de ses grosses bottes faisant à chaque pas, dans les flaques invisibles et clapotantes, jaillir de longues éclaboussures.

— Petit ! dit le patron, nous allons rentrer… Ta mère doit se manger les sangs…

Charlot ne répondit pas. Il avait rejeté la limousine, qu’un ouvrier, pris de pitié, lui avait jetée sur les épaules, il avait quitté l’encoignure du porche, et sa figure blême apparaissait