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CHARLOT S’AMUSE

leurs cris aigus de moineaux, et repris peut-être du désir de pouvoir s’amuser comme eux, en faisant tourner, à coup de fouet, un moine, la toupie favorite du pays. Certains de ses bambins d’ailleurs l’attiraient, ceux de dix à onze ans, les petits blonds à chair rose et blanche, à l’air doux. Fugitive comme la rougeur qu’elle lui mettait aux joues, une monstrueuse tentation lui traversait la cervelle ; il rêvait de polluer ces corps frêles et de couvrir d’inavouables caresses leur imberbe gracilité. À présent, il comprenait la dépravation d’Origène, se demandant, anxieux, s’il ne finirait pas comme lui. Il reprenait cependant sa route, son désir envolé, et sortait de la ville en adressant aux hommes et aux choses son sourire bête de poupée.

La fabrique Blech dépassée, c’était la campagne. Il s’engageait sous les peupliers, une plus pesante sensation de solitude l’écrasant là, dans l’ombre. Et il allait sans voir. Cette merveilleuse promenade de Gratin, trop souvent parcourue, n’éveillait plus en lui qu’une incommensurable fatigue.

À sa droite, il avait l’étendue large des prés, poussant jusqu’à la Meurthe, qui serpentait à l’horizon, derrière un rideau de saules et de trembles, son vert tapis rayé de rigoles, avec