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CHARLOT S’AMUSE

mourir en se rappelant cette révélation, en revivant cette amoureuse scène.

Sans doute, Lucien l’avait amené où il en était : ne se croyait-il pas guéri, quand il avait fait sa connaissance ? Mais quoi ? il le savait bien à présent : tôt ou tard, il serait retombé. Était-ce sa faute, après tout, et pouvait-il s’accuser lui-même ? Nul ne l’avait jamais aimé, si ce n’est ceux-là qui, comme Origène et Lucien, l’avaient corrompu… Certes, sa mère adoptive l’avait bien aimé, elle, et l’aimait encore, mais cette affection maternelle et chaste était venue trop tard, insuffisante d’ailleurs maintenant à remplir son cœur assoiffé et à calmer sa défiance maladive.

Lucien ?… Il n’aurait jamais un ami pareil ! et le malheureux s’animait à remuer ses souvenirs. Il fermait les yeux, béat, et, pour ne plus songer aux conséquences de sa fatale déchéance, s’efforçait de ne point sortir des jouissances anciennes. Le bonheur avait été infâme : ce n’en était pas moins du bonheur.

Bonheur partagé. Leroy lui avait rendu tendresse pour tendresse, et la promenade à Ormont avait été l’aurore des jours bénis qui, pendant six ans, s’étaient succédés.

L’année de la guerre avait été la meilleure. Mgr  Cavery, en revenant du Concile, ayant