Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
CHARLOT S’AMUSE

passé. L’idée qu’il ne reverrait plus la maison familière et le grand jardin qui l’enserrait de verdure lui arrachait des larmes comme s’il y avait laissé quelque chose de son cœur, ce qu’il avait de meilleur en lui, pensait-il.

Il ne sortit pas d’une semaine, tout à son chagrin. Un jour, le désir le prit de visiter la tombe de sa bonne maman et il alla pleurer au cimetière, mais, en revenant, il rencontra un ancien condisciple qui le plaisanta sur son entrée prochaine dans une étude. Charlot rentra aussitôt à l’hôtel et, du coup, sa douleur se fondit en une rageuse colère. La vieille servante de sa protectrice avait répandu son histoire par toute la ville. Son orgueil se cabrait.

Pendant une heure, il blasphéma, accusant tout le monde, montrant le poing au ciel, maudissant la prêtraille et éprouvant une vague jouissance à jurer comme un charretier pour injurier la pieuse clique et le mielleux cafard qui l’avaient dépouillé. Tout à l’heure, il avait vu une cornette à la fenêtre de l’ancienne chambre de Mlle de Closberry. Oh ! les coquins ! Et, se rappelant sa dernière lecture, il commença un monologue désespéré, en arpentant sa chambre comme un ours en cage. De classiques imprécations lui revenaient, avec de grands gestes, souvenir des tragédies jouées