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CHARLOT S’AMUSE

major, le lendemain de son débarquement à Toulon. À présent, il était trop tard. Pour rien au monde, il n’aurait consenti à retourner à la visite. Il avait une terreur folle des punitions, et redoutait son caporal et tous ses chefs, plus qu’il n’avait craint jamais Hilarion et Isidore. Et, la paupière appesantie, les membres roides, il graissait son fusil au plus vite pour aller, tout poussiéreux encore, se jeter sur son lit. Il reposait là, avec accablement, d’un sommeil d’ivrogne, lourd et sans rêves. Un coup brusque sur l’épaule l’éveillait en sursaut,

— L’appel ! nom de Dieu !…

Il se levait, et, tout ensommeillé encore, il retapait la couverture, puis, immobile au pied de sa couchette, il attendait, roide comme un piquet, dans l’attitude réglementaire, l’œil mort, et bâillant avec fureur. Tout à coup, une sonnerie de clairon, étrangement claire dans le silence soudain de la caserne et de la cour, commençait. Machinalement, Charlot plaquait des paroles sur les notes sèches et vibrantes qui résonnaient dans sa tête : « C’était avec Lucien… cien ! C’était avec Lucien… cien !… cien !… cien ! » Le cien traînait, s’alanguissant avec la plainte prolongée et mélancoliquement fignolée du cuivre, dans le « coup de langue » terminant la sonnerie. L’officier