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CHARLOT S’AMUSE

mirait comme l’eût fait un noctambule romantique et sain. Son détraquement, par l’état d’hyperesthésie même auquel il avait conduit sa sensibilité nerveuse, le rendant merveilleusement impressionnable, il tombait dans de réelles et longues extases.

D’ordinaire, c’était à la Chaîne-Castigneau, à l’entrée de la darse, qu’il aimait à veiller. Derrière lui, l’Arsenal s’étendait silencieux, et, de sa place, il n’apercevait que la silhouette des navires désarmés, qui, rangés comme des chevaux à l’écurie, le long des quais, lui semblaient monstrueusement grandir dans le noir.

Un chenal percé dans le rempart faisait communiquer avec la mer le bassin où ces vaisseaux dormaient amarrés aux canons-bornes. Au bord étaient les postes des soldats et des marins vétérans. Charlot se tenait un peu plus loin, de façon à découvrir la rade, tout en surveillant l’arrivée des rondes de l’autre côté du chenal. Souvent, le matelot chargé de passer celles-ci d’une rive à l’autre, essayait de lier conversation avec lui, mais il ne répondait pas, préférant contempler l’eau.

Elle clapotait à ses pieds contre les pierres avec un bruit monotone de rires qu’on étouffe. Des phosphorescences y couraient, dont les