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CHARLOT S’AMUSE

Jemmapes, le teinturier seul s’était souvenu de l’avoir vu tout gamin. Le ménage Rozier était mort ; des Auvergnats hargneux et taciturnes les remplaçaient. Charlot, dans la grande cité ouvrière, s’ennuya vite, se sentant déclassé du reste, et blessé dans ce que son éducation à Saint-Dié avait mis d’aristocratique en ses goûts. Il regrettait d’être venu là et n’osait se l’avouer. Bientôt, il quitta sa chambre à l’aube et n’y rentra qu’à dix heures le soir, pour dormir. Au fond, il avait cru que tout ce coin de quartier ferait lever en lui un monde de souvenirs et il avait une incessante et naïve surprise à constater sa propre indifférence devant les tableaux qu’il s’était si souvent rappelés en imagination. Tout cela était sale et laid. Les bords du canal fangeux et mal pavés l’écœuraient. Même, devant l’eau noire qui dormait au-dessus de l’écluse, il avait le passager regret de la rade de Toulon et de ses flots bleus couleur du ciel. La rue des Récollets et l’école des frères ne lui donnèrent pas la moindre émotion. Il en fut mécontent ; cette première désillusion l’effrayait et lui semblait menacer tous ses rêves. Un instant, il s’accusa d’insensibilité, mettant cette absence d’émotion sur le compte de son détraquement.

Justement, ses désirs se réveillaient avec