Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
268
CHARLOT S’AMUSE

impérieux. Cette fois, il écarta avec horreur la pensée d’un nouvel amour de hasard. Il avait visité, à la Ruche du Château-d’Eau, un musée médical, « visible pour les hommes seulement », et il en était sorti terrifié et bénissant le bon Dieu qui l’en avait tenu quitte avec une uréthrite bénigne. Il s’imaginait bien que, dans une maison publique, il ne courait pas autant de dangers ; mais comment y entrer seul ? Il n’oserait jamais. Plusieurs jours de suite, il rôda rue d’Aboukir, faisant les cent pas devant les bouges à gros numéros, et pris d’une timidité respectueuse devant le tambour des portes, pareilles à celles des églises. Enfin, désespérant de trouver assez de courage, il se grisa un soir et pénétra dans une des maisons. Son ivresse s’envola vite. Le « salon » à son entrée s’était soudain illuminé, et vingt femmes abandonnant leur dîner accouraient, la bouche encore grasse. Charlot les contemplait avec hébétement. Il ne retrouvait pas cette familiarité qui, au Chapeau-Rouge, à Toulon, jetait les filles aux bras des soldats dès leur arrivée ; c’était, au contraire, une froideur correcte. Ces dames s’étaient assises comme pour une réception familiale et se taisaient, se bornant à se laisser voir. Seulement, elles étaient moins vêtues encore que les Toulonnaises, ne sortant