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CHARLOT S’AMUSE

honte, insensible à la faim et au froid, n’ayant dans sa maladive dépravation qu’une idée fixe, qu’une préoccupation sensuelle prolongée, incessante : la femme.

Cet état obnubila vite le peu d’intelligence qui lui restait. Il dépérissait de toutes façons, et, au cours de son continuel satyriasis, ses divers sens étaient atteints, les uns après les autres. Quand il travaillait le soir chez le marchand de fer, il portait de grosses lunettes bleues, comme un vieillard, sa rétine impressionnable étant blessée par la clarté mobile et crue du gaz. Le bruit des rails de fer et des plaques de tôle jetés dans les sous-sols du magasin lui meurtrissait le tympan et lui causait de cuisantes migraines. D’ailleurs, il ne se soignait plus, se jugeant perdu, et, sous l’accablement d’un découragement infini, se laissant vivre avec une morne indifférence.

Son mal s’accéléra avec le retour du printemps. Des accès de dépression alternaient avec des accès d’agitation. Tantôt, il se livrait au vice avec hébétude, machinalement, tantôt avec d’ingénieux raffinements longuement calculés. Il restait des semaines entières sans sortir, si ce n’est pour aller de sa chambre au magasin avec la passivité d’un automate ; puis, quinze jours durant, il était pris d’une soif de