Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/308

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
296
CHARLOT S’AMUSE

Charlot lui avait sincèrement promis de renoncer à ses habitudes. Calmé par trois nuits passées avec des filles, il se croyait capable de se surmonter, et, repris d’espérance, il essaya de mettre en pratique les conseils de son ami. Il suivait les ouvrières qui regagnaient les quartiers populaires, s’attachant avec une résignation de chien battu, à celles qui s’en allaient, seules, sans attirer les regards, aux laiderons, aux vieilles filles. Mais il n’osait les accoster. Ce devait être terrible de les aborder à brûle-pourpoint ! Il arpentait les rues, une sueur au front, se donnant jusqu’au prochain carrefour pour se décider, puis, lâchement, avec la rancœur de sa bêtise ancienne et la colère de sa nouvelle maladresse, il s’arrêtait au bord du trottoir : brusquement, l’inconnue était entrée dans une allée, sous une porte, et il n’entendait maintenant plus rien, pas même le vacarme des voitures, dans le silence de mort que faisait en lui la disparition du bruit des petits talons de l’ouvrière, sonnant tout à l’heure à coups secs sur le pavé. Et il recommençait sa chasse, s’efforçant de se persuader qu’il était prêt à aborder la femme, lorsqu’elle avait disparu.

Enfin, il se risqua un soir, et, balbutiant, il adressa la parole à une ouvrière qu’il suivait