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CHARLOT S’AMUSE

s’amollissant sous ses caresses, redevenait l’amoureuse maîtresse des premiers temps. Mais un moment arriva où elle se refusa aux poursuites de son amant, sur les conseils de la sage-femme. Il bouda, pris d’une rage d’enfant gâté sevré brusquement. Après tant de mois de bonheur ininterrompu, cette subite continence qu’on lui imposait lui faisait l’effet d’un intolérable supplice, d’une lancinante cruauté, et il se figurait souffrir plus encore qu’aux jours où il avait perdu jusqu’à l’espoir de trouver jamais une femme.

Brusquement, il remaigrit et devint maussade. Fanny, devinant son désespoir, voulut alors s’offrir. Il refusa. Ce n’était plus bouderie — il lui avait pardonné deux heures après son refus, — mais dégoût. Ses désirs mouraient à présent auprès d’elle, à la regarder le ventre ballonné, allant d’une démarche lourde avec des dandinements de cane. En vain, essayait-il de se surmonter : ses vains efforts ne faisaient qu’exaspérer ses répugnances pour cette grossesse qui jaunissait Fanny, lui marbrait le visage de plaques livides, lui pinçait les narines et lui creusait les yeux. Il trouvait que la voix elle-même de sa maîtresse changeait, et, s’étudiant, il se raccrochait à son affection pour elle, afin de lui cacher les écœurements maladifs dont