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CHARLOT S’AMUSE

sent, cela lui revenait dans révocation de sa misère, au cours de la revue qu’il passait de ses infirmités. Aussi, pourquoi cette malchance ? Pourquoi la fatalité ne l’avait-elle pas laissé s’endormir dans son bonheur abruti ? La bête qui était en lui, exigeante et féroce, semblait domptée, et sa boulimie génésique, contentée, il était, grâce à l’apaisement de ses sens, un homme comme tous les autres. Se fût-il aperçu alors qu’il était totalement idiot et hors d’état d’accomplir sa besogne, il ne se serait pas plaint ; il aurait pris un métier de manœuvre, et sans récriminer, dans la consolation d’avoir Fanny ! Mais voilà, ça n’avait pu durer, et cette grossesse l’avait rejeté à son vice, irrésistiblement. C’était aisé de dire qu’il s’agissait d’un moment à passer, que la bonne vie d’autrefois allait reprendre… Est-ce que sa passion pouvait attendre ? Est-ce qu’il pouvait commander au mal qui le secouait, l’affamant de bestiale jouissance, plus fort chaque jour ?…

Et ces réflexions se terminaient par un accès de colère dont la révolte le soulageait. Plus calme, il se trouvait injuste. Parfois, il riait de lui-même.

Enfin, Fanny accoucha. L’opération fut laborieuse, compliquée, et la malheureuse, après avoir souffert le martyre, manqua mou-