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CHARLOT S’AMUSE

toute la journée, il ne cessa d'offrir aux camionneurs de la maison des tournées chez le marchand de vin. Les ouvriers, surpris de ce laisser-aller du commis auquel, d’habitude, ils reprochaient son orgueil, ne voulaient point être en reste avec lui et commandaient d’incessants petits verres. Charlot ne prenait que de l’eau-de-vie et une chaleur lui resserrait l’estomac ; cependant il avait les tempes toujours froides : l’ivresse se refusait. Il ne voulut ni déjeuner, ni dîner, les noyés qui ont le ventre plein étant, croyait-il, plus horribles que les autres, lorsqu’on les sortait de l’eau. À six heures, avant de quitter le magasin, il alla revoir le cabinet obscur où, d’ordinaire, il s’enfermait le jour, pour céder à ses crises, et il s’y abandonna une dernière fois. Les spasmes furent longs à venir et son plaisir étrangement douloureux amena à peine un sourire à ses lèvres. Alors, il descendit acheter un litre de rhum, et il partit, sans retourner la tête.

Il faisait une belle soirée, lourde encore de la chaleur du jour. Une foule hâtive, dans le brouhaha de la sortie des ateliers, se pressait vers la rue Grange-aux-Belles, et malgré les pi-ouit des gamins, les coups de sifflet des apprentis s’appelant pour rentrer ensemble, malgré le roulement des camions, on entendait