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Page:Bonnetain - Charlot s'amuse, 1883.djvu/41

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CHARLOT S’AMUSE

sœurs de l’ouvroir, et une envie passagère la prit de leur demander de la garder pour toujours avec elles. Sans doute, on devait être heureuse, une fois la guimpe blanche au cou, et ne plus souffrir, en égrenant, dans le calme silence du couvent, ou par les étroites allées bordées de buis dans le jardin, le lourd rosaire à croix de cuivre. Ce désir s’envola, enlevé par le vent froid de la mort. Une des religieuses trépassa, et Anne, un matin, vit enterrer la recluse dans les caveaux de la chapelle, après un long office lugubre d’où elle sortit frissonnante. Sa nature de fille sauvage, habituée à la liberté de la mer infinie et de la lande interminable, reprit le dessus, dans une horreur soudaine de cette vie solitaire, confinée entre les murs sombres, et, surtout, de cette mort affreuse, de ce cercueil descendu sous les dalles.

C’est alors que son parrain tomba malade. Le vieux prêtre, tout rhumatisant, dut s’aliter et demander à l’évêché un vicaire pour le suppléer auprès de son troupeau. La servante du presbytère, brave femme aussi âgée et presque aussi impotente que son maître, ne savait pas où donner de la tête. Anne s’offrit pour l’aider. Elle était seule au logis, ses frères et son père étant partis à la pêche de la morue. La vieille