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L’OPIUM


V


« … C’est donc vrai ! tu es parti !… Tout s’est passé si vite que je ne me rendais compte de rien. C’est cette dernière nuit passée chez toi, près de toi, qui m’a rendu la conscience de mon malheur. Tu es parti, et mon cœur se gonfle à se briser…

» La pensée que c’est moi qui suis cause de ton départ, qui t’ai déterminé à ce coup de tête, me rend folle !

» Mon pauvre cher, nous aurions pu être si heureux !…

» Vois-tu, Marcel, tu n’es pas organisé pour lutter avec la vie ; tu es artiste dans toute l’acception du mot. Le rêve te donne envie de jouir de l’existence et les difficultés t’abattent. Tu es trop songe-creux. Et moi, imbécile, au lieu de te soutenir, je m’irritais de ton peu d’énergie ; puis, le doute de ta tendresse, les racontars de nos amis, les infidélités qu’on te prêtait, tout cela m’a désespérée, m’a rendue furieuse. Ensuite, comme tous les faibles, car je suis une faible, je montrais ma colère au lieu de te reprendre par la douceur. Toi, tu me promettais de changer, mais tu cherchais toutes sortes de subterfuges pour